Chose promise, chose due. Je vais mettre en ligne les premiers chapitres de mon nouveau roman « Les ballons de la paix ». Il s’agit de la première version du roman. Actuellement, il est en relecture et ensuite, je ferai les corrections avant de l’envoyer pour le concours Femme Actuelle. Voici donc « Le ballon de la paix – prologue ». J’espère que ça vous plaira. N’hésitez pas à donner votre avis en commentaire 🙂
Le ballon de la paix – Prologue – Présent (Tacha)
Je cours en essayant de me frayer un passage au milieu des passants qui râlent. La piétonne est bondée. Pile le jour où je n’ai ni le temps, ni le souffle pour m’excuser. Pour un mois de septembre, il fait encore bien chaud. Malgré ma peau métissée, je sais que mon visage est rouge. Mes joues sont brûlantes et mes mollets pèsent trois tonnes. Mon sac à main saute et se cogne contre ma hanche à chaque foulée. Malgré ma course et tous mes mouvements anarchiques, je sens qu’il vibre. Je l’ouvre en essayant de maintenir l’allure. J’attrape mon téléphone : déjà 19h06. Je raccroche au nez de Cella. Elle comprendra. J’y suis presque. La porte de l’immeuble est ouverte. Je grimpe les escaliers deux à deux jusqu’au deuxième étage, mon trousseau à la main. Au moment d’insérer la clé, la porte s’ouvre de l’intérieur et je trébuche en avant.
Marina tient la poignée d’une main et se ronge les ongles de l’autre. En face de l’entrée, adossée au mur de la cuisine, Cécile me tend un verre de rouge en sirotant le sien déjà bien entamé.
— Qu’est-ce que…
Je n’ai pas le temps de finir ma phrase que j’entends la voix chaude et grave de Cella sortir de l’ordinateur posé sur la table de la salle à manger. Elle est couverte par celle plus aiguë et stressée de Marina. Les filles parlent en même temps, la porte de l’appartement est encore ouverte, je n’ai pas encore repris mon souffle et Cécile nous regarde amusée, son sourcil gauche plus haut que l’autre. Elle a un air hautain quand elle fait ça !
— Les filles…
Personne ne réagit. J’inspire profondément et je crie :
— Ça suffit !
Marina se fige. Cella se tait derrière son écran d’ordinateur. Cécile s’approche de moi de sa démarche chaloupée. Elle referme doucement la porte et me pousse vers la chaise la plus proche.
— Qu’est-ce que tu fiches ici, Cécile ?
— J’étais avec Marina quand elle a reçu ton texto.
Je fustige Nana du regard. Cella en profite pour dire tout haut ce que je pense tout bas. Elle est rapide pour passer de la pensée à la parole.
— C’était un rendez-vous d’urgence des BN. Tu n’en fais pas partie, Cécile !
— Et pour rien au monde je n’aimerais faire partie de votre club, ma chérie !
— Arrête de m’appeler comme ça, tu sais que je déteste !
Cécile sourit, Cella hausse des épaules à-travers l’écran, puis tourne son regard ambré vers moi. Cella semble venir d’un autre monde. Ses yeux sont de la même couleur que ses cheveux. Roux. Elle sait qu’elle peut me faire faire ce qu’elle veut quand elle me regarde ainsi. Elle est la petite sœur que je n’ai jamais eue et elle en joue !
— Tacha ! Tu m’as raccroché au nez.
Je pose mon verre sur la table. Je me gratte la tête. J’ai chaud. J’arrache mon élastique et ébouriffe ma tignasse bouclée.
— Je t’ai raccroché au nez pour être là plus vite ! Difficile de parler en courant.
— Je comprends mieux pourquoi tu ressembles à un épouvantail.
Cella sourit. Son premier depuis des mois. Mes lèvres s’étirent à leur tour et une bouffée de tendresse traverse mon corps.
Marina a tiré une chaise à côté de moi et s’assoit sur ses mains, face à l’ordinateur. Elle gigote des jambes. Même Cella s’en rend compte de l’autre côté de son écran.
— Allez, Tacha ! On t’écoute. Marina va nous faire une syncope si t’accouches pas. Pourquoi une réunion d’urgence des BN ?
Mon regard passe de Cella, à Marina, puis à Cécile, toujours debout, ses lèvres rouges étirées en un sourire narquois.
J’inspire profondément. Je ferme les yeux et retrousse le nez.
— Il est revenu !
Gros silence. J’ouvre un œil. Cella a le front plissé et Cécile se tapote les lèvres de son long doigt manucuré et vernis de rouge. Elles sont longues à la détente. Il n’y a jamais eu qu’un « il », et il ne sait même pas qu’il l’a été. À ma gauche, Marina s’arrête de gigoter et ouvre la bouche. Aucun son ne sort. Ça y est. Elle a compris. Elle essaie de dire quelque chose mais ressemble à un poisson hors de l’eau. Ses lèvres s’ouvrent, se ferment, hésitent. Elle ancre finalement ses yeux bleus dans les miens :
— Comment peux-tu en être sûre ? C’était il y a…
Elle compte sur ses doigts.
— 18 ans… Tacha, c’était il y a 18 ans ! Je croyais que tu l’avais oublié !
— J’ai reçu un ballon de la paix.